De nouvelles approches énergiques visant à réduire les maladies cardiaques liées au cholestérol font partie d’une mise à jour approfondie des lignes directrices sur la prévention et le traitement de la dyslipidémie élaborées par un groupe d’experts de la Société canadienne de cardiologie (SCC).
« La dyslipidémie est l’un des principaux facteurs de risque dans le développement et la progression de la maladie cardiovasculaire athéroscléreuse », estime le Dr Glen Pearson, pharmacien et professeur de médecine à l’Université de l’Alberta, qui a coprésidé le groupe d’experts ayant élaboré les lignes directrices 2021 de la Société canadienne de cardiologie sur la prise en charge de la dyslipidémie dans la prévention des maladies cardiovasculaires chez l’adulte.
Les nouvelles lignes directrices, destinées aux médecins, aux infirmières, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé, amélioreront la prévention et la prise en charge des maladies, réduiront les cas d’invalidité et sauveront potentiellement des milliers de vies.
Les nouvelles recommandations sont notamment :
- le renforcement du dépistage et du conseil pour les femmes souffrant de complications liées à la grossesse, telles que le diabète gestationnel, la prééclampsie, l’hypertension et la menace d’accouchement prématuré, qui peuvent avoir des risques plus élevés de maladie cardiaque;
- chez la population générale, l’introduction d’une analyse sanguine unique de la lipoprotéine (a) ou Lp(a), un biomarqueur sanguin stable qui est un facteur de risque génétiquement déterminé et causal pour les maladies cardiovasculaires;
- l’utilisation de nouveaux médicaments hypolipidémiants efficaces, y compris injectables, pour traiter les personnes qui n’obtiennent pas une maîtrise lipidique adéquate sous traitement par des statines;
- la mesure des biomarqueurs non liés au jeûne, soit l’apolipoprotéine B (ApoB) ou le cholestérol non à lipoprotéines de haute densité (non-HDL),en tant que solution de rechange à la mesure du taux de lipoprotéines de basse densité (LDL), en particulier chez les personnes présentant des triglycérides élevés;
- la dissuasion de l’utilisation de suppléments d’huile de poisson oméga-3 en vente libre, car ceux-ci ne présentent aucun avantage cardiovasculaire.
Atteindre les jeunes femmes et les personnes atteintes d’autres maladies vasculaires
Pour la première fois, les lignes directrices considèrent les complications de la grossesse comme des signaux d’alarme. On y souligne la nécessité de sensibiliser plus tôt les femmes qui pourraient être sur le point de développer prématurément des facteurs de risque de maladie cardiaque, tels que l’hypertension et le diabète, dans les dix ans à venir. « Plus tôt nous informons les femmes, mieux c’est », affirme Wendy Wray, cheffe des soins infirmiers, membre du comité des lignes directrices et directrice du Programme pour la santé cardiaque des femmes au Centre universitaire de santé McGill. « Un trop grand nombre de jeunes femmes ne reçoivent pas cette éducation. »
En connaissant le risque, on peut conseiller aux femmes qui connaissent des complications lors de la grossesse de retrouver leur poids naturel ainsi que d’atteindre et de maintenir une tension artérielle normale en limitant leur consommation d’alcool et de sel et en faisant régulièrement de l’exercice. « Nous l’avons vu, depuis 2017 : il y a une recrudescence des maladies cardiaques et des incidents cardiaques chez les jeunes femmes au Canada et aux États-Unis », explique Mme Wray. « Ça ne devrait pas se produire. »
De même, les lignes directrices indiquent que les personnes atteintes d’autres maladies, telles que les maladies rénales, les maladies artérielles périphériques, l’anévrisme aortique abdominal et le diabète, doivent faire l’objet d’une attention particulière, car elles aussi sont susceptibles de développer des maladies cardiaques. « C’est un autre signal d’alarme. Ce sont des personnes qui devraient prendre une statine », déclare la Dre Ruth McPherson, endocrinologue à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa et membre du groupe d’experts. « Ces patients doivent avoir un taux de LDL aussi bas que possible. »
Utiliser des biomarqueurs différents – Lp(a), ApoB et non-HDL – pour évaluer le risque
Également mis en évidence dans les lignes directrices : Une nouvelle et importante recommandation en matière de prévention primaire visant à analyser le taux de lipoprotéine (a), une mesure ponctuelle par analyse sanguine, est maintenant couverte par tous les régimes provinciaux d’assurance-maladie. Facteur de risque important de maladie cardiaque, la Lp(a) est un sous-ensemble de LDL génétiquement déterminé, très stable dans le temps, et un important facteur de risque causal de maladie cardiovasculaire.
« En se fixant sur les parois des artères, elle favorise l’absorption du cholestérol et peut nuire à la dégradation des caillots sanguins », explique la Dre McPherson. « Il y a deux raisons de mesurer le taux de Lp(a). Chez une personne par ailleurs en bonne santé, la Lp(a) peut signaler la nécessité de commencer plus tôt un traitement préventif. Chez un patient qui souffre déjà d’une maladie cardiaque, il existe de nouveaux traitements en cours de développement qui peuvent être bénéfiques. »
Le Dr Arden Barry de l’Université de la Colombie-Britannique, docteur en pharmacie et membre du comité des lignes directrices, convient que la recommandation de la mesure de la Lp(a) est une « nouvelle d’intérêt pour tous les cliniciens, y compris pour les pharmaciens ». Il souligne également le fait que les biomarqueurs non à jeun tels que le non-HDL et l’ApoB sont plus prometteurs en tant que prédicteurs des maladies cardiovasculaires que le LDL seul.
« Je pense que les cliniciens seront plus à l’aise avec ces biomarqueurs de substitution, tout en sachant que le LDL, que tout le monde connaît sous le nom de mauvais cholestérol, est ancré dans la pratique depuis de nombreuses années. » Selon lui, il est important que les pharmaciens comprennent la signification du non-HDL et de l’ApoB ainsi que leur importance pharmacologique.
Identifier les personnes qui bénéficieraient de thérapies d’appoint autres que les traitements par statines
Pour les patients qui n’atteignent pas un contrôle optimal avec le traitement par des statines, les lignes directrices révisées recommandent l’utilisation de nouvelles thérapies pour réduire le risque cardiovasculaire.
« Nous avons fait passer les lignes directrices d’une approche à traitements ciblés, où les fournisseurs avaient des objectifs à atteindre, à une approche fondée sur les seuils », explique le Dr Pearson. « Selon les nouvelles lignes directrices, si vous n’êtes pas en mesure d’atteindre le seuil avec le traitement par des statines, des thérapies plus récentes sont recommandées pour intensifier le traitement. »
Selon le Dr Barry, l’abandon d’un objectif lipidique précis est « progressif et plus conforme aux données actuelles », mais il faudra du temps pour changer la donne, car « les notions de LDL et d’objectifs précis sont très ancrées » dans la pratique. Parmi les points positifs, la nouvelle approche élimine la nécessité d’un contrôle lipidique en série pour atteindre une certaine valeur.
Trois classes de médicaments sont indiquées comme des traitements d’appoint. La première est représentée par l’ézétimibe, qui existe depuis des années. C’est le seul médicament de sa classe qui inhibe l’absorption du cholestérol. La deuxième catégorie est celle des inhibiteurs de la PCSK9, qui sont des médicaments injectables. « Il y a de bonnes raisons de penser que ces médicaments sont bénéfiques », dit la Dre McPherson. La troisième classe est l’icosapent éthyl, une nouvelle formulation purifiée de l’acide eicosapentanoïque, qui est un acide gras oméga-3.
Cependant, la recommandation d’intensifier le traitement est compliquée par le fait que certains des nouveaux médicaments ne sont pas couverts par tous les régimes d’assurance-médicaments. Ainsi, la SCC fait pression en faveur d’une couverture élargie. « Si les gens bénéficient d’une couverture suffisante, ils devraient utiliser ces agents, mais l’accès est limité », ajoute le Dr Pearson.
Préconiser une approche combinée : médicaments et conseils sur le mode de vie
Les lignes directrices continuent d’insister sur l’importance des changements de mode de vie pour améliorer les taux de cholestérol, mais reconnaissent que ces changements doivent aller de pair avec un traitement médicamenteux. Il ne s’agit plus d’essayer de faire en sorte qu’un patient commence par perdre du poids et faire de l’exercice avant de déterminer si des statines doivent être introduites.
« Si vous devenez végétalien et que vous vous entraînez pour un marathon pour le reste de votre vie, vous risquez de ne pas ramener votre cholestérol à un niveau idéal », explique le Dr Pearson. Une pilule rapide n’est pas non plus la solution si un patient est incapable d’arrêter de fumer ou de commencer à faire de l’exercice. La médication optimise la modification du comportement et vice versa. Il ne s’agit pas d’une approche par étapes; c’est la combinaison des mesures qui permettra d’optimiser les résultats.
En ce qui concerne l’apport en graisses alimentaires, « nous ne recommandons certainement pas les régimes cétogènes, car ils sont riches en graisses, en cholestérol et en graisses saturées », déclare la Dre McPherson. « Nous recommandons un régime alimentaire de type méditerranéen ou de type DASH : noix, poisson, huile végétale liquide. Et, si vous vivez au Canada, la meilleure huile végétale liquide est l’huile de canola, car elle présente un bon équilibre d’acides gras monoinsaturés et polyinsaturés. Elle est peut-être même meilleure pour vous que l’huile d’olive et elle est moins chère. »
La Dre McPherson conseille également à ses patients de faire de 8 000 à 10 000 pas par jour et de réduire la taille de leurs portions alimentaires. « Les gens doivent apprendre qu’ils ne peuvent pas manger comme ils le faisaient lorsqu’ils étaient adolescents et qu’ils ne peuvent pas manger comme leur grand-père le faisait lorsqu’il travaillait à la ferme. »
La Dre McPherson attire l’attention des médecins de famille sur l’étude HOPE-3, un essai clinique mondial mené par l’Université McMaster où participent des milliers de patients. « Cet essai a recruté des hommes âgés de plus de 55 ans et des femmes âgées de plus de 65 ans sans antécédents de maladie cardiaque. » Pour être admissibles, les participants devaient présenter un facteur de risque cardiovasculaire, notamment le surpoids, l’hypertension artérielle, des antécédents familiaux de maladie cardiaque ou le faible taux de cholestérol HDL. « La plupart des personnes d’âge moyen présentent au moins un facteur de risque. » Parmi les participants à l’étude traités par statine à faible dose, par rapport à ceux recevant un placebo, on a constaté une diminution significative des crises cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux sur une période de cinq ans, et la courbe a continué à diverger avec le temps.
« D’après cet essai clinique de grande envergure et bien contrôlé, la plupart des personnes d’âge moyen bénéficieraient d’un traitement par des statines », déclare la Dre McPherson.
Dire aux patients d’arrêter les suppléments d’oméga-3 en vente libre
Qu’est-ce qui ne fonctionne manifestement pas? Les suppléments d’acides gras oméga-3. « Nous avons beaucoup de données probantes, issues des essais cliniques récemment publiés, qui laissent penser que ces suppléments ne sont pas efficaces pour réduire le risque de maladie cardiovasculaire », explique M. Barry. « Une chose que j’ai essayé de souligner auprès de mes collègues, en particulier ceux qui travaillent en pharmacie, c’est la nécessité de déconseiller l’utilisation de suppléments d’acides gras oméga-3 en vente libre, surtout chez les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires. » Ces produits ne sont pas sans danger. « Il y a un risque qui leur est associé. Ils ont un effet anticoagulant et ils interagissent avec d’autres médicaments. »
Le Dr Pearson rappelle que les gens prennent des acides gras oméga-3 depuis des années et précise que « c’est l’accumulation de toutes ces données qui permet d’affirmer qu’il n’y a aucun avantage à tirer de tout ce qui est en vente libre ».
Tirer profit des meilleures données de recherche pour sauver des vies
« Si tout cela est appliqué aux bons patients, nous devrions constater de nouvelles réductions de la morbidité et de la mortalité dues aux maladies cardiovasculaires athérosclérotiques », déclare le Dr Pearson.
« Les lignes directrices sont importantes, mais, à mon avis, ce qui est tout aussi important, c’est la façon dont on les applique », ajoute Mme Wray. « Ce qui m’inquiète, c’est que les professionnels de la santé doivent vraiment utiliser ces lignes directrices. Nous savons que notre système de soins de santé est surchargé. Dans le cas des maladies cardiaques, il s’agit en grande partie de prévention et nous disposons de recherches fondées sur des preuves. Il serait temps de passer à l’acte. »
Les guides de poche sont un des outils produits par la SCC pour aider les professionnels de la santé à appliquer les recommandations des lignes directrices. Les outils de référence rapide présentent les recommandations essentielles en matière de diagnostic et de traitement pour les lignes directrices les plus récentes sur la dyslipidémie. L’édition 2022 du guide de poche sur la dyslipidémie est désormais disponible sous forme de fichier PDF téléchargeable (disponible uniquement en anglais).
Désirez-vous obtenir un résumé des recommandations des nouvelles lignes directrices au sujet de la dyslipidémie? Consultez nos dix principaux points à retenir et faites-en part à vos collègues.
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