Canadian Cardiovascular Society

La Dre Kelsey McLaughlin, professeure adjointe au département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université de Toronto et scientifique au Sinai Health System, a reçu la Bourse de recherche SCC/Pfizer/Alliance CIC dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis confrontées à des inégalités en matière de fonction cardiaque. Travaillant en collaboration avec Nicole Ratt, directrice de la santé du Kitiganik Health and Wellness Centre de la Première nation des Algonquins du lac Barrière, la recherche de la Dre McLaughlin vise à fournir aux femmes enceintes et à leurs familles des informations sur la santé qui tiennent compte des spécificités culturelles et qui sont axées sur la prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires pendant la grossesse et au-delà.

Ici, nous discutons du projet Healthy Pregnant Hearts avec la Dre Kelsey McLaughlin et Nicole Ratt pour savoir comment elles espèrent donner aux mères autochtones les moyens d’agir et combler les écarts en matière de résultats de santé.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le domaine de la santé cardiovasculaire maternelle ?

Dre McLaughlin : Lorsque j’étais étudiante de premier cycle à l’université Queen’s, j’ai assisté à une conférence du Dr David Barker, l’épidémiologiste qui a proposé la théorie des origines fœtales des maladies de l’adulte (hypothèse de Barker). Dès lors, je me suis intéressée à la santé maternelle et, plus particulièrement, à la santé cardiovasculaire maternelle. J’ai ensuite obtenu un doctorat en pharmacologie et toxicologie à l’université de Toronto. Cette année, j’ai commencé mon premier poste indépendant en tant que professeur adjoint à l’Université de Toronto, en me concentrant sur l’amélioration de la santé cardiovasculaire maternelle chez les patientes à haut risque en obstétrique. Ma collaboration avec Nicole Ratt, directrice du Centre de santé et de bien-être du lac Barrière, a débuté pendant la pandémie de COVID-19 et s’est développée depuis.

Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

Dre McLaughlin : Ce projet s’appuie sur une évaluation des besoins de la communauté des Algonquins du lac Barrière réalisée en 2020 ; les maladies cardiovasculaires ont été identifiées comme l’une des principales préoccupations de la communauté en matière de santé, les femmes enceintes constituant une population particulièrement vulnérable. Nous considérons ce projet comme un investissement dans les femmes enceintes afin d’améliorer la santé maternelle à court terme, ainsi que la santé à long terme des familles et de la communauté.

Pouvez-vous nous présenter les composantes du projet Healthy Pregnant Hearts ?

Dre McLaughlin : La première partie du projet consiste à faciliter le dialogue au sein de la communauté des Algonquins du lac Barrière afin d’identifier les lacunes actuelles en matière de santé cardiovasculaire des femmes enceintes de la communauté. Nous commencerons par une fête dans la communauté afin d’obtenir un engagement significatif de la part des aînés, des chefs de file de la communauté et de ceux qui ont une expérience vécue pour guider le processus de recherche. Les discussions permettront ensuite d’élaborer une série de séminaires mensuels. En fonction des sujets identifiés, nous recruterons des experts nationaux et internationaux en matière de santé maternelle et cardiovasculaire. Tous ces séminaires seront animés par des prestataires de soins de santé indigènes et comprendront une combinaison de médecine occidentale et d’enseignements traditionnels. Nous produirons des projets d’application des connaissances à partir de chaque thème de séminaire. Bien que Healthy Pregnant Hearts collabore avec une communauté des Premières nations dans une région rurale du Québec, nous voulons que ces informations soient accessibles au plus grand nombre possible de femmes enceintes à travers le Canada. Nous avons élaboré une campagne de médias sociaux pour produire du contenu TikTok et Instagram afin de diffuser l’information le plus largement possible.

Quelle lacune dans les connaissances sera comblée par cette recherche ?

Nicole Ratt: Nous vivons dans une communauté isolée, très éloignée des centres urbains et des soins spécialisés. L’hôpital le plus proche est à une heure et demie de route. Nous n’avons pas de médecin sur place. Nous avons deux ou trois infirmières qui se relaient en même temps. Nous avons un taux élevé de diabète de type 2 et des taux croissants de problèmes cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux. Nous devons faire quelque chose pour l’avenir.

Dre McLaughlin : Au Canada, les communautés autochtones enceintes manquent d’informations sur la prévention et la prise en charge des maladies cardiovasculaires qui tiennent compte des spécificités culturelles. L’un des principaux objectifs de ce projet est de fournir des informations essentielles sur la santé dans la langue choisie. L’algonquin est la première langue de cette communauté, qu’elle maîtrise à 100 %. Nicole et d’autres membres de la communauté participeront à la traduction des connaissances. Nous pensons que le fait de fournir à la communauté des informations précises et fondées sur des données probantes, dans la langue de son choix, avec l’aide de membres de sa propre communauté, y compris des prestataires de soins de santé autochtones, permettra de faire progresser la santé de la communauté.

Quel est le principe directeur de ce travail ?

Nicole Ratt: La communauté est très impliquée dans chaque étape de ce projet. Nous croyons en l’autodétermination en matière de santé. Le fondement de notre travail est la devise “Rien pour nous, sans nous”. Nous voulons fournir aux membres de la communauté des informations qui leur sont utiles et qui les rendent plus sains. Nous sommes convaincus que ce projet améliorera la santé des familles et de la communauté.

Cette recherche s’aligne-t-elle sur les recommandations de la Commission vérité et réconciliation ?

Nicole Ratt: Absolument. Tout est lié à cela. La connaissance est un pouvoir pour notre communauté et pour nos jeunes mères. Notre communauté se lève et apporte sa contribution. C’est la seule façon de progresser. Je suis la fille d’une survivante. De nombreux obstacles nous empêchent de prendre des décisions en connaissance de cause. Certains services n’ont pas été fournis en raison de ce que nous sommes. C’est là tout l’enjeu de la vérité et de la réconciliation.

Que signifie cette bourse pour vous, personnellement ?

Dre McLaughlin : Je suis ravie de recevoir cette bourse au cours de ma première année en tant que professeur assistant. Je suis membre de la SCC depuis que je suis étudiante en doctorat et j’ai vraiment bénéficié des opportunités offertes au cours de ma carrière universitaire. Recevoir cette bourse en tant que chercheur en début de carrière est extrêmement encourageant, car elle me permet de commencer à établir un programme de recherche impactant dans le but de faire progresser la santé cardiovasculaire maternelle au Canada.

Comment allez-vous mesurer l’impact de votre recherche ?

Dre McLaughlin : Le projet Healthy Pregnant Hearts commencera par une fête communautaire pour faciliter le dialogue et élaborer le plan d’évaluation en collaboration avec la communauté. Nous procéderons à une évaluation qualitative, comprenant un dialogue et des entretiens avec les membres de la communauté, ainsi qu’à une évaluation quantitative. Par exemple : Combien de personnes participent à ces séminaires virtuels ? Quelle est la portée de notre campagne dans les médias sociaux ? Y a-t-il une augmentation des visites au poste de soins infirmiers pour la vérification de la tension artérielle ou le contrôle de la glycémie ?

Qui d’autre participe à l’équipe de recherche Healthy Pregnant Hearts ?

Dre McLaughlin : Notre équipe de recherche officielle comprend Nicole, responsable de la santé communautaire, deux infirmières autochtones d’une communauté algonquine voisine et moi-même. Nous collaborons également avec un médecin gynécologue-obstétricien de l’hôpital Mount Sinai, qui fait partie de Sinai Health à Toronto, et vice-président de la santé mondiale au département de gynécologie-obstétrique de l’Université de Toronto, ainsi qu’avec deux membres du programme de prévention et de réadaptation cardiovasculaires du University Health Network.

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